Plus tard, tu seras princesse…Russie, 1522. La jolie petite Eleanor Zophia Leczinski vit le jour par un beau matin d’aout. Première enfant d’une famille qui en comptera cinq, que des filles. La petite développa très tôt une tendre complicité avec son père, qui voyait en elle sa protégée. Il lui pardonnait avec une facilité déconcertante toutes les petites bêtises qu’elle pouvait faire. Non pas qu’elles étaient nombreuses, mais Eleanor adorait fourrer son nez là où elle ne devait pas, étant d’un naturel on ne peut plus curieux. Elle était toujours souriante, adorait aider les serviteurs, qu’elle considérait comme sa propre famille. La grande demeure familiale résonnait toujours du rire chaleureux de la demoiselle. Lorsque sa mère mourut, en mettant au monde la cadette d’Eleanor, celle-ci en eut le cœur déchiré, et se promit de toujours faire sourire son père, et de s’occuper de ses jeunes sœurs, comme l’aurait fait sa mère. Elle aida encore plus sa Nanny, avec qui elle développa une vraie relation de complicité, se considérant presque naturellement comme mère et fille. Elle grandit en s’épanouissant, faisant la fierté de son père, qui n’hésitait pas à lui confier la maison lorsqu’il partait, la sachant capable de prendre toutes les décisions qui s’imposeraient à elle.
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Loin des vents de décembre…El tournait sur elle-même, les bras grand ouverts, en riant. Sa robe rouge détonait dans ce paysage de blanc. Les flocons de neige tombaient tout autour de la jeune femme, s’accrochant à ses beaux cheveux soyeux. La jolie brunette ferma les yeux, inspirant l’air glacial, mais si pur.
« -Mademoiselle, il faut rentrer, votre père va se fâcher ! »
« -Encore cinq minutes Nanny ! Danse avec moi ! »Elle se dirigea vers celle qui s’occupait d’elle depuis son plus jeune âge, et qui avait peu à peu prit la place de mère dans le cœur de Eleanor. Sa gouvernante la regarda d’un air fâché, comme pour la réprimander, bien qu’El sache qu’elle était incapable de s’énerver contre « sa préférée », comme elle l’appelait. La jeune femme éclata de rire, et tourna de plus belle sur elle-même. Elle adorait la neige, elle avait l’impression de redevenir une petite fille. La voix de Nanny ne tarda cependant pas à résonner encore une fois, comme inquiète :
« -Ma…mademoiselle… »El s’arrêta malgré elle, pour se tourner vers sa mère de cœur, qui regardait derrière elle anxieusement. Eleanor suivit son regard, et ses yeux s’agrandirent de stupeur. Elle s’inclina en avant, baissant la tête, attendant que les deux nouveaux venus avancent. Le père de la jeune femme s’avança, majestueux, aussitôt suivi par le jeune homme qui l’accompagnait. Le vieil homme prit alors la parole, demandant à sa fille de se redresser. La demoiselle s’exécuta, les joues rosies de froid. Et son regard tomba sur un homme en tenue militaire, un général de l’armée royale, comme le lui apprit son père. Lorsque les présentations furent faites, El s’inclina à nouveau dans une petite révérence, puis l’homme, prénommé Andreï Boukharine, s’avança doucement vers la jeune femme, et lui prenant délicatement, la porta à ses lèvres. Eleanor du résister à l’envie qui la prenait de partir en courant, mais elle posa un sourire poli sur ses lèvres à la place. Ils entrèrent dans la maison chaude, et rejoignirent le petit cabinet du père de la jeune femme, où son père lui présenta son futur mari. Malgré l’air docile et acceptant que la demoiselle prenait, elle bouillonnait intérieurement. Bien sûr, elle avait toujours su que ce jour devrait arriver, elle savait que son père lui présenterait un jour un homme et qu’il deviendrait son mari. Elle espérait simplement que ce ne soit pas un illustre connu, que ce soit quelqu’un pour qui elle avait de vrais sentiments. Mais voilà, El était l’aînée de la famille, et elle savait qu’elle se devait de montrer l’exemple pour ses quatre petites sœurs. Elle se montra donc parfaitement conciliante, apprenant à connaître cet homme durant les quelques jours qu’il passa dans la maison familiale. Le mariage avait été fixé à 6 mois, 6 mois au bout desquels Eleanor Zophia Leczinski deviendrait Boukharine. 6 mois au bout desquels elle devrait quitter sa famille, et partir s’installer chez cet homme.
La demoiselle savoura les mois qui lui étaient donnés, passant tous son temps avec sa famille, avec ses petites sœurs. Puis Andreï revint, et Eleanor devint sa femme. Elle quitta quelques jours plus tard la maison de son père, le cœur en miettes, mais un beau sourire rassurant sur le visage.
« -Je reviendrais vous présentez vos petits enfants! » avait-elle dit avant de monter dans la calèche qui devrait la ramener dans son nouveau foyer. Les paysages changèrent, les gens n’étaient plus les même, mais jamais il ne serait venu à l’esprit de la jeune femme de se plaindre. Elle savait que cette décision était la meilleure pour tous…pour son père, qui avait reçu une coquette somme d’argent, pour Andreï, qui voyait ainsi une chance de prolonger sa lignée, pour elle, en quelques sortes, puisque ca lui permettait de quitter sa campagne natale. Pourtant, la situation n’était pas pour ravir la jeune femme qui n’en laissait cependant rien paraître.
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On dit que lorsque l'on rencontre l'Amour de sa vie le temps s'arrête...Les mois passèrent, plus longs les uns que les autres. Pourtant, Andreï se montrait attentif aux besoins d’Eleanor, lui prouvait chaque jour qu’elle était pour lui l’épouse idéale, Eleanor était persuadée que le jeune général était tombé amoureux d’elle. Elle tentait de se montrer épouse parfaite, mais elle ne parvenait pas à ressentir autre chose que de la sympathie à son égard. Il était beau garçon, bien bâti, et se montrait tendre avec la jeune femme lorsqu’il n’était pas en campagne sur les champs de bataille. Mais rien n’y faisait, il manquait cette petite étincelle qui aurait fait de lui l’homme que Eleanor aurait chéri jusqu’à la fin de sa vie.
Andreï dut quitter la jeune femme en plein mois de décembre, la laissant seule dans la maison, avec un petit groupe d’hommes restreints, qui devaient la protéger coûte que coûte. Le mari de la jeune russe craignait des représailles, et c’était avec beaucoup d’hésitations qu’il avait quitté sa femme et ses terres.
Et il avait bien raison de se méfier. Il n’avait quitté la maison que depuis deux jours lorsqu’un petit groupe d’hommes armés firent leur apparition dans la demeure, tuant tous ceux qui se dressaient sur leur passage. Ils tuèrent ainsi le cuisinier et sa femme, leurs enfants, la gouvernante, le majordome…et Eleanor aurait été la prochaine si une épée ne s’était pas dressée entre elle et le poignard que l’on brandissait déjà vers elle. L’homme qui la menaçait eu alors un comportement des plus étonnants : il retourna ses armes contre ceux avec qui il était venu, et après en avoir tué deux, et blessé un troisième, il se fit tuer lui-même. Malgré son étonnement, la jeune femme ne chercha pas comprendre ce que son sauveur lui avait dit, et elle n’en eut pas le temps, puisque l’homme en question l’entraina vers la chambre à coucher. Il en barricada l’entrée, et se dirigea vers la cheminée. Et à la plus grande surprise d’Eleanor, le décor de fond de la cheminée pivota, et de l’air froid s’engouffra dans sa chambre. Le soldat drapa les épaules d’Eleanor d’une longue cape, et la poussa hors de la maison.
Ils ne purent marcher que pendant quelques minutes, lorsque deux hommes leurs tombèrent dessus. Le bienfaiteur d’Eleanor la poussa à l’abri d’un arbre, et s’occupa des deux attaquants, qu’il tua sans état d’âme. Il se pencha quelques instants sur leurs corps, sans qu’elle puisse voir son visage. Eleanor crut durant quelques instants qu’il avait était blessé. Elle sortit de sa cachette, et s’approcha doucement de lui. Puis les choses s’enchainèrent très vite…un homme courut vers le soldat, qui était dos à lui. Eleanor se vit tendre la main vers la dague de son garde du corps, puis la plonger dans le ventre du nouvel arrivant. Le soldat qui la protégeait se retourna rapidement, et s’occupa d’achever l’agresseur, tandis qu’Eleanor reculait, regardant ses mains couvertes de sang. Elle n’eut cependant pas le temps de s’apitoyer sur ce qu’elle venait de faire, car elle du se mettre à courir très vite, pour s’éloigner de la maison. Elle ne se souvint plus exactement combien de temps elle avait courut, tout ce dont elle se rappelait, dans son état, était de ce qu’elle venait de faire. Elle se souvenait du visage de l’homme lorsque le couteau était entré dans son ventre.
Ils s’arrêtèrent au petit matin, alors que le soleil peinait à se lever. Ils rejoignirent un château un peu plus loin, où vivait l’un des amis du mari de la jeune femme. Le regard que les gouvernantes posèrent sur elle, et sur sa tenue négligée étaient sans équivoque, et blessèrent la jeune femme. Elles la conduisirent vers une grande salle de bain, mais Eleanor eu le temps d’apercevoir son reflet dans le miroir juste avant. Elle serra la mâchoire, et les suivit docilement dans la salle de bain, où deux femmes se chargèrent de la laver, et de coiffer ses longs cheveux.
Elle tenta de dormir le reste de la journée, mais la scène ne quittait pas son esprit. Elle revoyait la mort de l’homme se jouer devant ses yeux lorsque l’on toqua à la porte de sa chambre. Elle autorisa la personne à entrer, et se leva du lit pour l’accueillir. Et ce fut comme si la terre s’était arrêté de tourner. Un homme entra dans la chambre, refermant doucement la porte après son entrée. Il posa un regard vert vif sur la demoiselle, qui sentit son cœur s’apaiser. Il s’approcha, et le poids qui pesait sur sa poitrine s’envola, il fit une petite courbette, puis prit sa main, et ses joues s’empourprèrent.
Elle posa sa main sous son menton, et le força à relever la tête. Elle plongea son beau regard brun dans celui du jeune homme. Sa carrure…elle avait face à elle celui qui lui avait sauvé la vie la veille. Elle lui fit un faible sourire, puis le jeune homme la conduisit vers le lit en disant qu’il la trouvait un peu pâle. Ils parlèrent longuement, le jeune homme lui expliquant ce qu’il allait se passer à présent. Durant tout le temps où il parla, la jeune femme ne put quitter son beau regard. Lorsqu’il se leva, pour quitter la pièce, Eleanor se leva à son tour, et l’arrêta en lui demandant comment il s’appelait.
« -Je m’appelle Alexander Irinova…madame, pour vous servir ! »Il lui fit un sourire énigmatique, et charmeur, puis quitta la pièce après une nouvelle courbette. Revigorée par ce contact avec cet homme, Eleanor put enfin dormir tranquillement. Alexander, suivit de quelques hommes retourna à la demeure des Boukharine, débarrassant les corps, et remettant la maison en état. Une semaine plus tard, les deux jeunes gens y retournèrent. Ils vécurent presque un mois seuls, ne se quittant que très rarement, Alexander craignant toujours pour la sécurité de la demoiselle. Au début, leurs rapports furent lourds et silencieux, aucun ne parlant. Puis ils se rapprochèrent, et Eleanor se confia à lui, puis il se confia à elle, et de soldat à protégée, ils devinrent amis. Ils veillaient tard le soir, assis près de la cheminée, discutant.
Eleanor était en train d’étendre de grands draps dehors, lorsqu’Alexander vint la rejoindre. Il était d’excellente humeur, comme toujours. Il vint la rejoindre, la taquinant, tirant sur les linges qu’elle tentait de faire sécher. Puis faussement lasse, elle lui envoya le linge au visage, et se mit à courir entre les grands tissus blancs, en éclatant de rire. Il ne tarda pas à la rattraper, riant lui aussi. La jeune femme était près de la roseraie. Alexander la regarda de loin, en souriant, puis il s’approcha, alors qu’elle se tournait vers lui. Elle coinça soigneusement une petite rose rouge dans la poche de son costume, alors que lui remettait une de ses longues mèches de cheveux en place. Leurs regards se croisèrent, et Alexander posa sa main sur celle d’Eleanor. Leurs deux bouches s’étirèrent dans un sourire tendre et timide, et le jeune homme embrassa la jolie brunette. Tout deux n’imaginaient pas à cet instant tout ce que cela engendrait.
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La plus grande vérité qu'on puisse apprendre un jour est qu'il suffit d'aimer et de l'être en retour.Une année passa encore, durant laquelle Alexander et Eleanor se voyaient en secret. Elle craignait pour sa vie chaque fois qu’il partait, mais dès qu’il rentrait, leurs retrouvailles étaient chaque fois plus tendres. Ils se lançaient des regards discrets, et des sourires en coin, lorsque des serviteurs ou Andreï étaient présents. Même s’ils ne pouvaient s’aimer comme ils l’auraient voulu, ils savaient qu’ils étaient faits l’un pour l’autre, et que rien ne les séparerait jamais.
Eleanor était dans le jardin, assise sur un banc en bois. Il était déjà tard, et Andreï était parti en ville, un peu plus tôt dans la soirée. Il avait confié la sécurité de la demeure à son homme de main, son homme le plus fidèle, Alexander. La maison resplendissait de vie à nouveau, et l’épisode de l’attaque n’était plus qu’un très mauvais souvenir.
Eleanor posa le livre qu’elle lisait, et fixa un petit bosquet, droit devant elle. Les choses avaient bien changé en l’espace d’un an. Elle se montrait froide envers Andreï, malgré elle, malgré tout l’amour qu’il lui portait. Elle avait trouvé son autre en la personne d’Alexander, et elle n’était jamais plus heureuse que lorsque son mari partait en campagne, même si elle craignait pour sa vie. Le jeune soldat et elle se voyaient en cachette, s’embrassant et partageant de tendres moments. Alexander lui avait offert un bel anneau en argent surmonté d’un grenat rouge vif peu de temps auparavant. Une vraie merveille que la jeune femme chérissait…mais elle était désolée que le bijou n’ai pas d’autre place que de pendre autour d’une chaine à son cou.
De douces lèvres se posèrent dans sa nuque, y faisant courir des centaines de petits frissons. Elle pencha la tête en arrière, et les lèvres d’Alexander l’embrassèrent avec passion. Ils passèrent une soirée merveilleuse, faisant mils et un projets qui leurs permettraient de se sauver de cet endroit où leur amour leur était impossible. Ce fut sur de doux projets que les deux jeunes amoureux se quittèrent.
Eleanor rejoignit sa chambre, mais ne pouvait se résoudre à dormir tant qu’Andreï ne rentrait pas. En sous vêtements, elle regardait par la fenêtre, faisant jouer l’anneau argenté autour de son doigt. Perdue dans ses pensées, elle n’entendit pas son mari rentrer dans la pièce, ni arriver derrière elle. Il l’enserra brusquement, plongeant sa tête dans les cheveux de la jeune femme. Eleanor sursauta, puis tenta de le repousser. Son haleine empestait l’alcool, et ses gestes un peu bruts confirmaient la théorie selon laquelle il devait être ivre. Il s’approcha en la regardant d’un air menaçant. Il pointa son doigt sur la poitrine de la jeune femme, puis son regard se posa sur la bague, qui se balançait sur son corset. Andreï eut un cri rageur, et arracha le collier du cou de la demoiselle. Puis il hurla en lui demandant ce que c’était. Mais Eleanor n’eut jamais le temps de lui répondre. Son mari lui assena une violente claque qui lui fit perdre l’équilibre. Elle tomba au sol, et Andreï venait déjà vers elle, l’insultant. Mais il n’atteint jamais sa cible. L’homme vola à travers la pièce, s’écrasant lourdement contre la cheminée, sonné.
Eleanor leva lentement les yeux vers le nouveau venu, et ne fut pas étonné de voir qu’il s’agissait d’Alexander. Mais la jeune femme ne s’expliquait pas comment il était entré aussi vite, comment il pouvait être assez fort pour avoir pu faire cela à Andreï. Eleanor se redressa, alors qu’Alexander s’accroupissait devant elle, lui tendant la main. Malgré la peur qui la tenaillait, le regard de la jeune femme ne pouvait quitter le visage de l’homme qu’elle aimait. Ses yeux étaient rouges, ses pupilles dilatées, ses traits plus durs, et il semblait avoir…des crocs. Elle porta la main à sa bouche, tandis que la voix douce du jeune homme lui intimait de ne pas avoir peur. Il souffla plusieurs fois, et ses traits redevinrent ceux de l’homme doux qui faisait battre son cœur. Elle resta immobile un long moment, tout comme lui. Le regard du jeune homme ne quittait pas le sien, l’implorant de prendre la main qu’il tendait toujours vers elle. Elle l’ignora tout simplement, et se jeta à son cou, enfouissant sa tête dans l’épaule du jeune homme, qui l’étreignit avec force.
Ils ramassèrent les quelques affaires de la jeune femme, qu’ils mirent dans un sac de voyage, et s’enfuirent au cœur de la nuit. Ils rejoignirent des amis d’Alexander, et ce fut le début de leur nouvelle vie.
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Après tout, pour un esprit équilibré, la mort n'est qu'une grande aventure de plus.Eleanor avait un peu peur de Alexander, qui du lui expliquer ce qu’il était. La jeune femme eut beaucoup de mal à l’accepter, refusant qu’il s’approche d’elle, refusant de le voir pendant de longs jours. Mais elle devait se rendre à l’évidence que malgré ce qu’il était, il n’avait jamais était violent avec elle, n’avait jamais usé de ce qu’il appelait son pouvoir de persuasion. Il n’avait été que doux et tendre. Elle l’avait donc rejoint dans sa chambre, en l’implorant de la pardonner. Elle passa la nuit dans ses bras, et au petit matin, elle lui demanda de faire d’elle un être comme lui. Alexander refusa, ne pouvant se résoudre à la voir souffrir, ne pouvant accepter de lui ôter ce qui la rendait si belle, de lui ôter son humanité. Si Eleanor s’était sentie blessée, elle avait accepté sa décision.
Puis ils avaient été dans la famille de la jeune femme, espérant y être bien accueillis…mais il avait appris qu’Eleanor avait quitté son mari, pour s’enfuir avec un jeune soldat. Son père l’avait accueilli, furieux, et il en était venu à rejeter sa fille, à la répudier. Eleanor et Alexander étaient rentrés chez eux, mais tout avait changé pour la jeune femme. Elle ne parvenait plus à sourire, ni à se nourrir, trop affecté par le rejet de son père. Elle était en train de se laisser mourir. Les efforts vains que le jeune homme faisait pour la faire sourire lui brisaient encore plus le cœur, et se fut malgré elle qu’elle le poussa à un ultimatum. Elle le voulait pour toujours, elle ne voulait plus sentir cette peine, et elle voulait plus que tout partir loin d’ici. S’il refusait de la changer, de la faire devenir comme lui, elle se laisserait mourir simplement. Elle se haïssait de devoir le pousser à faire ce choix, mais elle ne supportait pas l’idée de devoir vieillir, alors que lui resterait si jeune, si beau, si parfait.
Après de longs jours de réflexions, Alexander n’eut plus d’autre choix que de transformer Eleanor, dont l’état ne cessait de se détériorer. C’était un lundi soir, le soleil était couché depuis un moment déjà, et Eleanor était étendue sur le lit où tous deux partageaient désormais leurs nuits. Elle lui sourit faiblement, alors qu’il se penchait sur elle pour embrasser ses lèvres. Il serra très fort sa main, les yeux humides, puis Eleanor murmura :
« - Pardonne-moi de t’infliger ca… »Il embrassa les deux joues de la jeune femme, puis posa un dernier baiser sur ses lèvres, et enfouit son visage dans le cou d’Eleanor.
« -Je t’aime… »Ces trois mots ne furent qu’un fin murmure, mais ils provoquèrent un doux sourire sur le visage de la jeune femme. Elle ne sentit qu’à peine la morsure des crocs acérés d’Alexander dans son cou, tandis qu’il s’abreuvait de son sang, aspirant peu à peu la vie qui demeurait dans le corps de la jeune femme. Puis il se redressa, les lèvres couvertes de sang. Malgré le dégout que cela lui inspirait, Eleanor, avec le peu de forces qui lui restaient, lécha son propre sang, présent sur les lèvres d’Alexander, qui l’embrassa en retour. Puis il se coupa le poignet, offrant son sang à la jeune femme. Eleanor but docilement, malgré la nausée que cela lui inspirait, et ferma les yeux lorsque le jeune soldat retira son poignet de sa bouche. Elle connaissait la suite du plan. Elle inspira profondément, la peur au ventre, puis il ne se passa plus rien. Alexander venait de lui briser la nuque, en murmurant qu’il était désolé.
Lorsqu’Eleanor rouvrit les yeux, une douleur sans nom irradiait dans tout son corps. Elle avait l’impression de brûler, chaque nouvelle seconde était un vrai supplice ; une vraie torture. Elle ferma les yeux, ne bougeant pas, serrant la mâchoire, pour ne laisser filtrer aucune plainte. Elle sentit la présence d’Alexander à ses côtés, à chaque instant, lui caressant doucement les cheveux, lui murmurant des paroles apaisantes et réconfortantes. Lorsque la douleur s’apaisa enfin, deux longs jours plus tard, c’est une toute nouvelle Eleanor qui se redressa dans le lit, et qui posa son regard sur Alexander.
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Ferme les yeux, et le monde devient celui que tu veux.Les mois passèrent, puis les années, et les siècles. Cela faisait déjà plus de trois cent ans qu’Eleanor et Alexander parcourraient l’Europe, main dans la main. Eleanor s’était très vite adaptée à sa nouvelle condition de vampire. Elle aimait ressentir cette sensation de liberté lorsqu’elle courait, ou qu’elle faisait des bonds impressionnants, elle adorait sentir le vent dans ses cheveux, voir plus loin qu’elle n’aurait jamais pensé pouvoir voir, sentir des odeurs qui lui étaient inconnues jusque là.
Alexander l’avait initié à ce qu’il aimait appeler son régime végétarien. Le jeune homme ne se nourrissait que d’animaux, qu’ils chassaient ensemble. Les parties de chasses étaient devenues leur petit jeu, rien qu’à eux. La jeune femme devait admettre que boire du sang animal était bien beau, mais elle était sûre que ca n’avait rien à voir avec le sang humain. Elle pouvait sentir l’odeur des humains, sentir le sang courir dans leur corps, voir la veine de leur cou battre, et elle devait admettre que dans ces cas là, elle avait une irrésistible envie de planter ses crocs effilés dans leur jugulaire. Mais dans ces cas là, chaque fois qu’elle sentait qu’elle était sur le point de perdre le contrôle, elle pouvait compter sur le soutien sans faille d’Alexander. Un regard empli de tendresse, une légère pression de la main, et la jeune femme perdait tout désir de sang humain. Il avait une forte influence sur la jeune femme.
Ils ne passaient pas une minute l’un sans l’autre, comme si la simple idée de passer un seul instant, même court, loin l’un de l’autre ne leur serait pas venu à l’esprit. Comme s’ils n’étaient rien l’un sans l’autre, comme si Alexander était la moitié de Eleanor, et réciproquement, comme s’ils ne faisaient qu’un tout que lorsqu’ils étaient ensemble. Ils avaient bien tenté de se passer l’un de l’autre quelques instants, mais ils avaient tout deux avouer que s’ils n’étaient pas ensemble, ils avaient l’impression de perdre une part d’eux même.
Ils étaient à présent tout deux allongés dans un grand lit, au milieu de parures blanches toutes douces. El était couchée sur le côté, un bras replié sous sa nuque. Elle regardait la pleine lune par la fenêtre de la chambre, qu’ils avaient laissée grande ouverte. Alexander était couché derrière elle, en appui sur son bras, la regardant d’un œil tendre. La demoiselle ne pouvait quitter du regard l’astre, et elle tendit la main, comme pour tenter de l’attraper, son bras restant en l’air un petit moment, puis Alexander vint prendre sa main, entremêlant leurs doigts. Puis tandis que la jeune femme esquissait un doux sourire, le jeune soldat laissa son doigt glisser le long du bras de la belle russe, avant de le passer doucement dans son cou. Puis les lèvres du bel homme vinrent rejoindre la nuque de la demoiselle, qui s’en mordit les lèvres de plaisir. Elle resta immobile durant quelques instants de torture, puis finalement, se retourna doucement, pour faire face au jeune homme. Elle passa son doigt délicatement sur les traits fins du jeune homme, qui ferma les yeux. Puis les lèvres de la jeune femme vinrent rejoindre celle d’Alexander, et comme à chaque fois, ce furent les même sensations qui s’emparèrent d’eux, ce besoin quasi viscéral d’être proche de l’autre, de sentir la douceur de la peau de l’autre contre la sienne, de ne faire plus qu’un. Eleanor sentit son cœur s’accélérer, et ses lèvres se firent plus insistantes. Alexander se redressa, et se mit au dessus de la demoiselle, l’embrassant toujours. Ses lèvres parcoururent la peau satinée de la jolie brune, passant de son cou, à son décolleté, pour rejoindre à nouveau ses lèvres. Cette nuit serrait surement une des plus belles qu’ils partageraient.
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On ne peut changer qui on est sans détruire qui on était.Cela faisait déjà quatre ans qu’ils habitaient à Paris. Alexander leur avait trouvé un bel appartement de style victorien, non loin de la tour Eiffel. Ils vivaient au rythme de cette belle ville qui plaisait tant à la jeune femme. Créature de la nuit, ils avaient pris l’habitude de découvrir les multiples secrets de cette ville de nuit, s’autorisant seulement alors à révéler leur vraie nature. Ils sautaient de toits en toits, couraient très vite entre les passants, en rigolant. Mais ils veillaient toujours à taire leur secret, et s’ils soupçonnaient quelqu’un d’être au courant pour leur condition, ils usaient de leur don de persuasion pour se protéger. Eleanor était devenue excellente à ce petit jeu, parvenant à soumettre n’importe quel mortel à sa volonté grâce à son regard d’acier.
La demoiselle s’était parfaitement faite à son statut de vampire, et elle adorait sentir la nouvelle vie qui courrait en elle. Cependant, malgré tout l’amour et toute l’attention qu’Alexander pouvait lui porter, Eleanor était irrémédiablement attirée par le sang humain. Elle devait faire de réels efforts pour ne pas céder à la tentation, et si elle résister si bien, c’était parce qu’elle se disait qu’elle décevrait beaucoup Alexander si elle succomber à la tentation de se nourrir de sang humain.
Un soir, alors qu’ils se promenaient le long d’une grande avenue, tard dans la nuit, les sens de la demoiselle commencèrent à paniquer. Elle pouvait sentir l’odeur de sang humain, celle d’un homme assez jeune, qui était blessé. Elle en percevait les douces effluves qui lui chatouiller les narines, provoquant sur elle une délicieuse attraction. Elle attrapa compulsivement la main d’Alexander, et la serra très fort dans la sienne, alors que tous ses sens la poussaient à attaquer, à se jeter sur l’homme qui marchait droit vers eux, du sang s’échappant d’une vilaine blessure qu’il avait à l’abdomen. Elle serra la mâchoire très fort, mais l’odeur se faisait de plus en plus forte, au fur et à mesure que l’homme se rapprochait. Il était sérieusement blessé, et Eleanor pouvait sentir son souffle de vie le quitter peu à peu. Il ne survivrait pas à sa blessure, elle en était sûre. Sans qu’elle ne puisse rien faire pour l’en empêcher, ses crocs sortirent, et elle s’apprêtait à sauter sur le pauvre homme. Elle lâcha la main d’Alexander, et se jeta sur le blessé.
Cependant, l’ancien soldat fut très rapide, et il s’interposa entre les deux, plaquant la jeune femme contre un mur, tandis que l’homme gémissait sur le sol. Alexander dut s’y reprendre à plusieurs fois pour calmer la vampire, pour qu’elle retrouve son état normal. Il lui murmura des paroles douces et apaisantes pendant de longues minutes, avant qu’elle soit totalement maîtresse d’elle-même à nouveau. Par la suite, Alexander avait utilisé son don pour faire oublier à l’homme sa rencontre avec les deux vampires, mais cela ne servit à rien, puisque malgré le sang qu’Alexander lui donna, l’homme mourut quelques instants plus tard. Ce que Alexander n’avait cependant pas vu, c’est que en voulant attraper l’homme, la main d’Eleanor était entrée en contact avec la blessure de l’homme, et qu’elle avait eu de son sang sur les doigts. Elle avait lutté pour ne pas lécher ce sang, mais son désir étant tellement fort, qu’elle ne su résister. Alors qu’Alexander était occupé avec le mourant, elle se lécha les doigts, goûtant enfin au sang humain.
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Même si la passion nous déchire, elle ne doit pas briser ce qui nous lie.Dès l'instant où les lèvres d'Eleanor se posèrent sur ses doigts, et léchèrent ce sang humain, la jeune femme n'eut plus d'autre obsession que celle de se nourrir de ca, et d'abandonner le sang animal qui était une bien piètre compensation. Alexander avait bien compris que quelque chose avait changé chez sa partenaire, et il se doutait que cela avait à voir avec le fait qu'elle avait faillit s'en prendre à un humain. Il la croyait bouleversée par ce qu'elle avait fait, alors que pour sa part, Eleanor ne rêvait plus que de l'instant où elle pourrait planter ses crocs dans la jugulaire d'un pauvre humain inoffensif. Elle tenta de se défaire à plusieurs reprises de la surveillance sous laquelle Alexander la maintenait, pensant bien faire. Et cette surveillance fut la cause de leur première dispute.
La jeune femme était assise sur un banc, dans la Cour de leur immeuble, fixant les étoiles. Elle soupira, assez fort, ayant senti la présence du jeune homme dans son dos.
"-Je ne suis pas une enfant..."
"-Non, mais tu es fragile, et..."
"-Ca, c'est ce que tu crois!"Et pour appuyer ses paroles, elle se leva rapidement, et le plaqua sans douceur contre le mur, tous crocs sortis. Avec une force qu'elle ne soupçonnait même pas, elle l'empêcha de bouger, plongeant son regard dans celui du jeune homme. Et au lieu de trouver de la colère ou de la déception chez le jeune homme, tout ce qu'elle y vit, c'était une tendresse sans fin, un amour qui lui permettrait de tout pardonner à la jeune femme. Et c'est ce qui lui fit perdre pied. El frappa à quelques centimètres de sa tête, et se recula, furieuse.
"-Je ne suis pas fragile...je...je rêve de déchiqueter le cou d'un pauvre humain, de le vider de son sang, et de me trouver une autre victime et de recommencer..."Elle lui dit ceci, et fuyant son regard, elle s'enfuit à travers les ruelles étroites, jusqu'à atteindre un parc où ils avaient été se promener une ou deux fois. Dans l'ombre d'un arbre, la jeune femme espionnait un jeune père, se promenant avec son fils. Si l'enfant était sans intérêt, la jeune femme devait admettre que le père ne la laissait pas indifférente. Il était beau garçon, habillé très chic, et la demoiselle pouvait sentir la délicieuse odeur qui semblait émaner de lui.
La jolie russe sortit de sa cachette, et s'approcha de la petite famille, un sourire carnassier sur les lèvres. Sa colère l'aveuglait complètement, et elle ne se rendait même pas compte qu'en agissant comme ca, elle décevrait Alexander. Elle se planta au milieu de leur chemin, les dévisageant, le visage penché. Elle fixait le petit d'un air sans équivoque, et pour toute réponse, celui ci lui fit le plus beau, le plus brillant des sourires qui soient. Levant un sourcil perspicace, la jeune femme renonça finalement à attaquer, et se contenta de saluer l'homme méfiant lorsqu'il passa à côté d'elle.
Elle soupira à nouveau, de lassitude cette fois, et comme elle s'en était douté, son regard se posa sur son bel amoureux, en appui contre le tronc d'un arbre, qui le regardait d'un air bienveillant, les bras croisés. Malgré l'agacement qu'elle ressentait, la jeune femme se jeta dans ses bras, alors qu'il l'étreignait de toutes ses forces. Ils restèrent longtemps dans les bras l'un de l'autre, avant qu’Eleanor se sépare de lui. Il lui prit la main, et rentrèrent chez eux.
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Il n'est de véritable déception que de ceux qu'on aime.Enfin c'est ce qu'ils avaient prévu de faire. Ce qu'ils n'avaient pas vu, c'était les deux hommes cachés dans les bosquets, qui n'attendaient qu'une chose, que les deux amoureux passent à côté d'eux. Lorsqu'Alexander et Eleanor passèrent devant la belle statue, le premier homme se jeta sur la belle jeune femme, pour la séparer du soldat, tandis que l'autre homme se jetait sur Alexander, un pieu à la main. Eleanor cria, et envoya voler le premier homme, sans toutefois le blesser. C'était la première fois qu'elle avait à faire à un chasseur. Son cri fit se retourner Alexander, inquiet, et distrait, il ne vit pas l'autre homme s'avancer, et lui planter un pieu dans le dos. Les yeux agrandis de surprise, le beau vampire tomba au sol, incapable de bouger.
Alors, tout ce qu'il avait dit à Eleanor concernant le bois et les effets que cela avait sur eux lui revint en mémoire. Et sans même sans rendre compte, elle se jeta sur l'homme qui s'avançait vers Alexander pour l'achever. Elle le prit par la gorge, et le plaqua de toutes ses forces contre un arbre, avant de planter ses crocs dans son cou, et de lui déchirer la gorge. Elle but le sang du chasseur, sans toutefois l'achever, voulant le voir souffrir pour ce qu'il avait fait. Elle tourna ensuite la tête, un sourire cruel sur ses lèvres au moment où l'autre homme voyait ce qu'elle avait fait à son compagnon. Il tenta de s'enfuir, mais la demoiselle le traqua, et lorsqu'il n'eut plus d'endroit pour fuir, il tomba à genoux, en la suppliant de ne pas le tuer. Eleanor s'était approché doucement de lui, et lui avait caressé la joue d'un air doucereux, puis sans crier gare, elle lui avait brisé la nuque d'un geste franc, sans en éprouver le moindre remord.
Puis elle revint sur ses pas, là ou Alexander gisait toujours au sol, et où le chasseur était en train de pousser son dernier soupir. Cependant, la jeune femme se mordit le poignet, et prenant la tête de l'agresseur par les cheveux, elle lui fit boire son sang malgré ses protestations, avant de lui briser la nuque d'un coup sec. Puis elle lâcha son corps qui retomba sur le sol dans un bruit mou. Il avait toujours haï les vampires, maintenant, s'il survivait à la transformation, il en deviendrait un lui même.
Eleanor s'approcha alors doucement d'Alexander, et retira d'un seul geste le pieu de son dos. Il avait saigné abondamment, et il était très faible. Cachant le pieu et l'attirail des deux chasseurs, la jeune femme porta le beau soldat jusqu'à leur appartement, où elle s'occupa de lui, pendant trois longs jours. Elle alla chasser pour lui, lui rapportant les petites créatures qu'elle tuait, pour qu'il puisse reprendre des forces. Au matin du quatrième jour, Alexander décréta qu'il pouvait aller chasser seul, et après s'être changé, il embrassa passionnément la jeune femme, avant de la serrer longuement contre lui.
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Tu ne me reverras plus. Je ne reviendrai pas. Poursuis ta vie, je ne m'en mêlerai plus. Ce sera comme si je n'avais jamais existé.Les heures passèrent, sans que le jeune homme ne réapparaisse, et la jeune russe était très inquiète. N'y tenant plus, elle se dirigea vers sa veste, qu'elle enfila, et par reflexe, glissa sa main dans sa poche. Ses doigts se refermèrent sur une enveloppe. El se dirigea vers le lit, ouvrant la lettre qui portait la belle écriture légèrement penchée d'Alexander.
"Mon tendre amour,
Je ne sais si j'aurai le courage de t'écrire cette lettre, et encore moins celui de réaliser le projet qui me hante depuis quelques jours. Je sais que je ne serai plus de ce monde, de ton monde, si tu ne m'avais pas sauvé de ces chasseurs, et je t'en serai éternellement reconnaissant. Je ne pourrai oublier ton beau visage penché sur le mien, me murmurant de douces paroles, alors que tu me soignais. Mais je ne peux oublier non plus la cruauté dont tu as fait preuve envers ces deux hommes. Tes lèvres avaient le goût de leur sang. Je ne peux t'en vouloir, ma réaction aurait été la même s'il s'en était pris à toi. Mais je sais qu'une fois qu'on a gouté à la douceur du sang humain, il est dur de s'en passer, et je ne pourrai rester à tes côtés, contraint de te voir changer jour après jour, de te voir devenir un être différent que la belle et douce Eleanor que je connais. Même si la seule pensée de devoir me passer de toi pour l'éternité me brise le cœur, je sais que c'est la seule, la meilleure décision à prendre.
Merci pour tes doux regards, pour la chaleur de tes étreintes, et la tendresse de tes lèvres,
Je serai tien à jamais,
Alexander"
La demoiselle du relire la lettre au moins cinq fois, avant d'en comprendre le sens réel. Il la quittait. Alexander la quittait, parce qu'elle avait tué deux hommes, et qu'elle s'était nourrie de leur sang. Elle lui avait sauvé la vie, mais pour cela, elle avait trahie sa promesse de ne pas se nourrir de sang humain. Blessée, triste, mais surtout en proie à une rage froide sans précédent, elle quitta l'appartement en pleurs, et se dirigea tout droit chez ses voisins. Elle se rendit dans la chambre parentale, et y commit un véritable massacre, vidant les deux parents de leur sang, après les avoir torturés, puis elle quitta l'appartement, et montant à l'étage, elle fit de même chez ses autres voisins, puis chez les autres, jusqu'à ce qu'il n'y ai plus d'adultes encore vivant dans l'immeuble. Malgré sa colère et son désespoir, elle ne pouvait pas s'en prendre aux enfants, et ceux ci dormaient encore paisiblement alors que la demoiselle tuait sans remords leurs parents. Lorsqu'elle eut finit sa sombre besogne, son cœur lui faisait toujours aussi mal, et tout le sang humain qu'elle avait bu n'avait en rien apaisé la douleur qui la rongeait de l'intérieur. El retourna dans son propre appartement. En se rendant dans la salle de bain, elle vit tout le sang qui maculait sa bouche. Elle avait commis l'irréparable, et elle le savait. Elle perdit pied à nouveau. Dans un brusque accès de violence, elle renversa la table du salon, jetant la vaisselle au sol, déchirant les rideaux, brisant les carreaux du beau buffet ouvragé. Lorsqu'elle fut rompue de fatigue, et lasse de toute cette violence, elle se laissa glisser sur le sol, et laissa enfin couler les larmes qui la submerger.
Au petit matin, elle mit toutes ses affaires dans un grand sac, posa un dernier regard sur l'appartement ravagé, et sautant par la fenêtre, tourna une nouvelle page de sa vie. Elle atterrit souplement dans la cour, et quitta la ville, puis le pays. La douce et aimante Eleanor était morte la nuit dernière, il ne restait désormais plus qu'une créature froide et cruelle. Puisqu'Alexander l'avait quitté, elle pouvait désormais céder à ses pulsions, et devenir un vrai vampire. Elle avait très bien compris, sentit que le sang humain lui procurait une force qu'elle n'aurait pu soupçonner. Sa vision déjà excellente s'était encore améliorée, tout comme son odorat. C'est un sourire cruel sur les lèvres qu'elle embarqua seule pour les Etats Unis, sachant que rien ne pourrait désormais l'empêcher de s'en prendre aux humains.
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Tu me trouves sadique ? Là tu me vois dans le masochisme le plus profond.Il faisait encore très chaud cette nuit là, malgré l'heure avancée. Perchée au sommet d'un grand arbre, Eleanor regardait un couple de campeurs, en contrebas. Assis autour d'un petit feu, le jeune homme faisait preuve d'une incroyable niaiserie, pour séduire sa partenaire, grande blonde fluette. Haussant un sourcil moqueur suite à une énième plaisanterie du jeune homme, Eleanor se dit qu'elle devait mettre un terme à cette situation, qui était en train de la rendre malade. Elle s'élança, et atterrit entre les deux jeunes gens, sautant de la branche de laquelle elle se tenait.
L'air surpris et effrayé qui se peint sur leurs visages ravi la jeune femme, éveillant par la même son instinct de chasseur. La jeune blonde se jeta dans les bras de son ami, sans qu'Eleanor n'intervienne. Sa seule réaction fut de leur lancer un sourire cruel. Lorsque l'homme lui demanda qui elle était, son sourire se fit encore plus grand, et elle répondit d'une voix suave et doucereuse:
"-La dernière chose que tu verras!"Et elle s'élança sur eux, les séparant. Elle attacha l'homme à un arbre, tandis que la jeune blonde se recroquevillait sur le sol en pleurnichant. Lorsque la jeune russe fut sure que l'homme était bien attaché, elle se tourna vers la jeune femme, qu'elle attrapa par le bras, la relevant sans douceur. Puis elle la projeta à un mètre de son ami, alors qu'un craquement sonore bientôt suivi d'un cri retentit dans la noirceur de la nuit. Eleanor sourit à nouveau, s'agenouillant devant la jeune femme. Elle lui caressa doucement la joue, mit ses cheveux en arrière, alors que la blonde pleurait toujours et supplier pour garder la vie sauve. Pour toute réponse, Eleanor lui brisa le bras, sans aucun état d'âme, alors que la femme criait à nouveau. Les cris de l'homme se joignirent bientôt à ceux de la femme, demandant à El de le tuer lui, mais de la laisser elle en vie. La jeune russe eut un doux sourire, ne voulant lui dire que de toutes façons, ils y passeraient tous les deux.
Pour toute réponse, elle envoya le corps maigre de la blonde s'écraser contre un tronc d'arbre, dans un nouveau craquement sonore. Puis, courant rapidement grâce à sa nature de vampire, elle se dirigea vers le corps qui remuait faiblement, et la prenant par les cheveux, elle la traina jusque devant son ami. Elle eut un nouveau sourire, et attrapa la main de la blonde, qui saignait abondamment. Elle lécha consciencieusement le sang qui coulait d'une vilaine blessure, les yeux rivés dans ceux de l'homme horrifié, prenant un réel plaisir à faire cela. Elle savait que ses prunelles devaient être dilatées, et ses pupilles d'un rouge intense. Elle laissa échapper un petit grognement, et prenant les cheveux de la jeune femme, elle lui rejeta violemment la tête en arrière, avant d'y planter ses crocs, et de boire le sang de la femme. Cependant, elle s'arrêta en cours, une grimace sur le visage, et lança:
"-Pas terrible!"Puis elle lui brisa la nuque, avant de laisser le corps inerte retomber sur le sol. Elle s'approcha ensuite du corps de l'homme, qui pleurait, et le força à la regarder dans les yeux. Utilisant le don qu'elle maitrisait le mieux, elle riva son regard dans le regard vert du jeune homme, et lui dit:
"-Tu vas courir très vite, tu vas t'enfuir, parce que tu sais que si je te rattrape, tu vas mourir..."Et elle le détacha. L'homme ne se le fit pas dire deux fois. Il prit ses jambes à son cou, oubliant sa petite amie morte une poignée de secondes plus tôt. Eleanor contempla leur petit camp, avant d'éteindre le feu. Puis lorsqu'elle estima qu'il avait pris assez d'avance pour rendre le jeu amusant, elle se lança à sa poursuite. Elle le traqua trois longues heures dans le foret, passant derrière lui en riant, en lui frôlant la nuque provoquant sa panique. Finalement, il se laissa tomber dans une clairière, et Eleanor, ayant suffisamment joué, se dirigea vers lui, un sourire victorieux sur les lèvres. Elle se pencha doucement vers lui, et lui promettant que ce ne serait pas douloureux, elle le vida de son sang, aspirant peu à peu la vie qui sommeillait en lui.
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Les hommes rêvent du retour plus que du départ…Les années passèrent, et la jeune femme se faisait chaque fois plus dure, plus cruelle. Elle ne haïssait pas les humains, mais les considérait comme des jouets excellents, et par dessus tout, la plus exquise des nourritures. Elle n'avait plus jamais bu de sang animal, et ne s'en portait pas plus mal. Elle arpentait les États Unis seule, faisant quelques ravages par ci, par là, mais sans jamais laisser de traces de son passage. Elle n'avait pas oublié Alexander, et l'amour qu'elle éprouvait à son égard était toujours aussi vif. Elle portait d'ailleurs toujours la bague qu'il lui avait offerte.
Elle venait de quitter la ville où elle habitait depuis un an, lorsqu'elle atterrit par pur hasard à Bodie. Elle courait dans une forêt, traquant un autre vampire, lorsque soudain, elle s'était figée, le décor ayant imperceptiblement changé. Elle sortit du couvert des arbres, pour se retrouver dans une rue complètement déserte. Les bâtiments semblaient tomber en ruine, et il n'y avait plus âme qui vive dans cette ville. La stupeur de la jeune femme ne fit qu'augmenter lorsqu'elle se rendit compte qu'elle ne parvenait pas à quitter cette ville. Elle posa son sac à terre, étudiant la ville dans ses moindres recoins. Elle ne savait pas encore comment, mais une chose était sûre, cette ville ne la retiendrait pas prisonnière pour toujours, elle trouverait un moyen de partir....