I. Quant la richesse vous tient

Pour mon plus grand bonheur, je suis né dans une famille riche et aisée de Londres. Respectés et connus, mes parents étaient des composants influents de la politique anglaise de l’époque. Donc, au printemps 1863, ma venue au monde ne fût pas un secret. Je grandis ainsi parmi des gens renommés et puissants, imbus de leur personne. Mon père était ce genre de personne; grotesque avec sa famille et manipulateur avec les hommes. C’est sans doute grâce à lui que je suis de ce tempérament aujourd’hui. Mais avant cela, je n’étais qu’un faible petit humain, éduqué par les meilleurs professeurs du pays; les mathématiques, l’histoire et la géographie. Bien que j’étais loin de vouloir devenir politicien, j’excellai dans tous les domaines, surtout les langues. Mis à part l’anglais, j’appris le français, l’espagnol et l’italien. À l’époque, la culture était signe de pouvoir et d’intelligence. Traits que tous me donnèrent immédiatement en me voyant si calme et sûr de moi. J’étais destiné, avant même d’atteindre mes dix ans, à être un homme prêt à tout pour parvenir à ses fins. À mes yeux, rien n’était plus facile que d’obtenir mes désirs. C’est donc avec facilité qu’à mes vingt-trois ans, je quittai Londres pour parcourir le monde. Escorté par les meilleurs marins du continent, je décidai de faire le tour de la terre. Rien n’était plus fantastique et grandiose pour démontrer ma volonté et mon courage face à la vie qui m’attendait – à l’époque, bien sûr. Je me voyais déjà réclamer les éloges sur ma personne, avant même d’avoir quitté Londres. Je parcourrai ainsi les océans, les terres et les dangers. Je pris conscience des différentes cultures, regardai mille et un paysages désolants ou époustouflants, partageai mes connaissances avec des hommes d’influences et pris possession d’objets de valeurs inestimables. Je traversai deux épidémies d’influenza en mer, des dizaines et des dizaines de tempêtes et des attaques de bêtes sauvages inimaginables. À croire que le diable ne me voulait pas tout de suite dans ses rangs et que dieu ne me regrettait pas. En fait, ils avaient de bien plus sombres projets pour moi.


II. Jusqu’à ce que la mort nous sépare

Après quatre longues années, le retour à ma ville natale fût une fête sans fin. Je participai à des soirées en mon honneur, acclamai des propositions politiques, racontai des anecdotes sans queues ni têtes, callai des bouteilles de vins délicieux à ne plus les compter. Pendant des jours, ce ne fût que festivités en ville et quel cadeau lorsque mon père me présenta une délicieuse jeune femme à marier. Sans le savoir, ma famille venait de signer mon arrêt de mort. Quant à moi, j’allais épouser avec volonté et courtoisie la mort à l’état pure. Cette femme de dix-neuf ans avait pour prénom Élizabeth. Sa famille comptait parmi ceux des plus riches de la ville, en tête d’un commerce de pierres précieuses. Il était donc dans mon intérêt de m’unir à cette demoiselle si gracieuse et hypnotisante. Les préparatifs allèrent de bon train puisque j’étais loin de tout cela; les hommes ne s’occupaient guère de planifier un mariage. Il y avait des gens à payer pour exercer ce travail. Un mois après mon retour de voyage, je me retrouvai donc dans une église, prononçant les mots sacrés du mariage à ma magnifique Élizabeth. Elle était d’une beauté rare et exceptionnellement attirante; j’ignorais tout de ses attraits qui me seraient mortels. À mes yeux, je ne méritais pas moins que cette douce vierge qui me dévorait de son regard noisette. Qui pouvait croire qu’elle serait la cause de ma mort? Moi-même je fus étonné de mourir lors de ma lune de miel. Un seul regard manipulateur eu raison de moi avant que je ne sente ses crocs acérés déchirer mon coup. Et par nécessité, par réflexe même, je bus le sang à même ses veines. Aucune peur, aucune question. C’est après ma mort que je compris peu à peu ce qu’elle m’avait fait. J’étais devenu un monstre. Du moins, c’est ce que je pensais à cette époque.


III. Trois-cent-soixante-treize étoiles qui s’éteignent

Ma nouvelle vie – ou ma mort – fût difficile d’accès. Aujourd’hui, je me trouve idiot d’avoir eu tant le désir de rebrousser chemin. Je trouvai horrible de mentir à ma famille, de vivre au jour le jour et surtout, de me nourrir de sang humain. Mais tout cela ne dura qu’un certain temps, car grâce à Élizabeth, je découvris les plaisirs d’être immortel. Avec elle à mes côtés, je mis en planification ma mort pour ne plus avoir les chaînes familiales qui me retenaient à mes occupations. Je fus donc tué par un politicien ennemi à mon père en pleine rue pendant la nuit. C’était toute qu’une pièce à jouer, je vous le garantie! Mais quel extase de duper tous ses gens, la presse, la ville; le monde entier y croyait! Tous me déclarèrent mort et mon enterrement eu lieu dans les pleures et les regrets. Quant au politicien inculpé, il trouva la mort. Il faut avouer qu’Élizabeth avait tout arrangé pour que ce soit lui que l’on accuse. C’est également elle qui vint me déterrer dans le cimetière. Puis nous volèrent ensemble l’argent de ma famille. C’était le début d’une partie fort dangereuse et sadique. Pendant de longues années, nous avons parcourus les continents, tuant ici et là pour se nourrir. À nous deux, nous décimèrent des villages entiers pour notre propre plaisir. Et dans notre propre intérêt, nous n’avons jamais hésité à hypnotiser des humains pour parvenir à nos fins. À vivre ainsi, les trois-cent-soixante-treize années s’écoulèrent rapidement. Tout aurait pu continuer si Élizabeth n’avait pas franchi ma limite. Alors que nous étions en Amérique, elle osa me supplier pour transformer une fillette qu’elle avait enlevée à sa famille. Cette enfant de cinq ans avait la pureté d’un ange et, malgré le démon sans pitié que j’étais, je ne réussis pas à me résoudre à cette macabre idée. Cette jeune humaine avait tout à apprendre, à vivre et à éprouver avant même de frôler les abords de la mort. Et en croisant ses yeux suppliants, je ne voyais que l’enfant que je ne pourrai jamais avoir. C’était une vie impossible. C’est donc avec toute la colère et l’autorité qui m’habitait que je repoussai l’idée assassine d’Élizabeth. Jamais je ne l’aurais crue aussi têtue et dangereuse que cela; décidée, elle empoigna la petite et dévoila ses dents pour la mordre. Mon choix ne fût pas difficile. Aucune hésitation ne se fît sentir dans mon geste et pas le moindre remord eu raison de moi. Je la tuai. Tout simplement. Quant à la fillette, j’effaçai sa mémoire et la rendit à sa famille, par un soir de pluie.


IV. Le commencement de l’histoire

Et voilà que seize ans se sont écoulés. De très longues années passées seul, sans compagne. Toutefois, j’ai quand même découvert que certains humains savaient tout à propos de nous, les vampires. Ils ont entrepris de nous rayer du monde, mais je me fais un malin plaisir à les tuer. Un à un. Et sans pitié. Certains se montrent plus déterminés que je ne l’aurais crus, mais cela ne change jamais rien à la fin de l’histoire. Ils meurent, tout simplement. Toute fois, je me demande s’ils n’auraient pas des sorcières dans leur camp, car en suivant la trace d’une chasseuse, je me suis retrouvé dans un endroit complètement paumé. Une ville qui à mes yeux semblent abandonnée. Toutefois, mes sens décuplés m’alarment du contraire. Des parfums humains me parviennent pendant une seconde, puis une sensation d’être espionné m’envahit. Depuis, un sentiment d’insécurité cherche à se loger en moi. Mais l’assassin que je suis est loin d’avoir dit son dernier mot. Gare à vous, car peu importe où vous vous cacherez, je vous trouverez.