Pour entendre mon histoire, mieux vaut s’asseoir. Pas qu’elle est extraordinaire, mais peut-être un peu longue vue mon passé lourd et, surtout, vue mon âge. J’ai 75 ans, à l'époque je vivais dans le Bronx. Il y a de cela 70 ans, mes parents sont morts dans un «accident». En fait, à ce qu’on disait, ils seraient morts assassinés dans un conflit de gang. Si c’est la vérité? Je ne le saurai jamais : à cinq ans, on ne comprend pas encore tout. Mais je ne doute pas trop de ce scénario : moi-même, à mes quinze ans, je faisais partie d’un gang de rue. Inconsciemment, je devais vouloir me rapprocher de mes parents? Bizarre. Enfin, la rue était beaucoup mieux que l’orphelinat dans laquelle j’étais depuis la mort de mes parents. Le lieu était miteux, peu riche, et surtout les gardiens étaient nuls et trop sévères. Ce qui fit qu’à mes 12 ou 13 ans je me donnais la permission de quitter cette charmante batiste pour rejoindre la rue encore plus accueillante que l’orphelinat. En fait, vivre dans la rue était difficile, surtout dans les premiers temps. Mais je m’adaptais rapidement, volant et entrant dans les poulaillers et même parfois vidant les poubelles pour trouver quoi que ce soit d’utile. Malgré tout, c’était une vie que j’adorais où certes j’étais seul, mais aussi où je me suffisais moi-même.

En peu de temps, une nouvelle «famille» se proposait à moi, et je ne mis pas longtemps à prendre les rênes de ce gang. Y faut croire que j’ai le profil d’un chef depuis toujours. Je me cachais souvent dans les rues reculées ou encore même dans les sous-bois. Je n’avais jamais eu de rencontre peu désirable jusqu’à un certain soir où ma vie changea pour le meilleur comme pour le pire : je fis la rencontre d’un loup. Une belle bête qui captura tout de suite mon attention. J’étais autant apeuré que fasciné. Je n’eu pas le temps d’en peindre un portrait : il m’attaqua. Heureusement, je ne m’en sortis qu’avec quelques graffignes et une morsure bien profonde, à l’épaule gauche. J’en ai encore la cicatrice après 60 ans. Je m’éloignai de la forêt, allant trouver de quoi me soigner. Le lendemain, sans trop faire de liens, je fus malade comme un chien. Quelques jours plus tard, je me sentais tout drôle. Mes sens étaient, je dirais, décuplés. Je voyais et entendais mieux, mais aussi, on aurait dit que j’avais un odorat…C’était spécial comme sensation. Ce n’est que quelques semaines plus tard que tout ce déclencha, à l’éclat d’une pleine lune. Vous pouvez demander à tous les loups-garous : je suis carrément sûr que tous vous répondrons que la première transformation n’est vraiment pas agréable du tout. Se sentir devenir autre chose sans même comprendre pourquoi ou comment… c’est déboussolant.

À ma première transformation, j’étais plus qu’incontrôlable. J’ai dû attaquer – tuer- quelques uns des membres de ma gang. Je n’en gardais le lendemain qu’un souvenir flou lorsque je me réveillais nu dans le bois, le visage couvert de sang. Je me souvenais, mais c’était comme si ce n’était pas moi qui chassait. Comme si quelqu’un d’autre avait pris possession de moi. Enfin, je fini pas comprendre rapidement le métabolisme et si j’ai un nombre incalculable de défauts, j’ai aussi une qualité essentiel à la survie dans la rue : L’adaptation ultra rapide. Plus jeune que la moyenne, je contrôlais la bête en moi, en tirant un avantage fou.

Pour le reste, ce fut chasse, vie dans la société vs vie dans les bois. C’était une vie totalement différente de ce que j’avais imaginé, mais une vie palpitante quand même. Jusqu’à mes 46 ans, aucune rencontre ne marqua mon existence. Aucune rencontre jusqu’à Koranh. J’en avais déjà entendu parler et tout ce qu’on disait à son sujet était invraisemblable. Meurtres, tortures… pleins de belles atrocités dans ce genre. Mais ce qui me surprit encore plus lorsque rencontrais Koranh, c’était de constater que ce n’était pas un loup. Mais une louve. En fait, la rencontre fut par hasard : nous avions la même proie et il n’était pas question que je laisse quelqu’un d’autre me voler mon territoire. J’étais aller jusqu’à me battre avec elle – lorsque je disais que la première impression que je donnais était souvent mauvaise…- jusqu’à ce que nous décidions de faire signe de paix.

Elle avait de la difficulté à se contrôler et était probablement une plus jeune louve que moi. Koranh était intrigante, et ce qui a fait que j’eue envie de la connaître un peu plus. L’entente entre nous n’est pas parfaite, loin de là! Nous nous bataillons souvent et nous énervons plus souvent encore, mais au moins, on peut dire que tuer l’autre ne fait pas partie de nos buts, ce qui est déjà un bon début. Ce n’est pas comme si nous étions inséparables, mais je l’ai tout de même suivi lorsqu’elle entra dans cette drôle de ville, Bodie. Je ne voulais pas la laisser seule , la sachant incapable de se contrôler et étant le seul à véritablement pouvoir l’apprivoiser. Depuis quelques années, je suis la personne qui l’aide à se contrôler… et aussi je me suis permis de prendre le rôle de protecteur sur elle. Et je suis très protecteur -c’est le genre de chose que je ne lui avouerai pas. En fait, personne n’est autorisé à l’approcher, du moins lorsque je suis là. Spécialement les autres males.

Surtout que récemment, un autre loup tourne autour d’elle un peu trop près à mon goût. Je n’aime pas jusqu’à son odeur et s’il a le malheur de se mettre devant moi, je ne sais pas comment il s’en sortira…